21 avril 2015


Cette journée sera sous le signe du roman de Stephen King, Marche ou Crève. Cette matinée restera longtemps dans nos mémoires.





Réveil et petit-déjeuner

La nuit a été difficile. Nous nous sommes tous réveillés plusieurs fois. Les bêbêtes de la jungle tournoient autour de nos têtes à la recherche d’une faille dans notre carapace. Heureusement pour nous, les sacs de couchage ont tenu. Le sol ne s’est pas amolli durant la nuit non plus. Sur le dos, sur le côté ou pire encore, sur le ventre, rien n’y fait. Il est dur.
On peut avoir du mal à y croire, mais il fait froid la nuit ! Comparé aux quasi 40 °C de la journée, les quelque 10 °C sont un rude choc pour nos organismes affaiblis par trop de civilisation. Nos guides ne semblent pas perturbés outre mesure.
On se fait donc réveiller par une des questions les plus incongrues qui puissent être quand vous venez de plus ou moins somnoler sous des feuilles de bananiers.
— Thé ou café ?
— Ce sera thé, merci.
Le décalage est total. Nos guides, toujours aussi ingénieux, arrivent à nous fabriquer des tasses pour siroter notre litre de thé. Allez savoir où ils planquent tout cela dans leurs sacs. Vérification prise, ils portent 15 kg environ. Song surtout est impressionnant, il fait la moitié de ma taille. Un vrai chat de gouttière fort comme un bœuf.
De notre côté, tout en sirotant un thé plus que bienvenu, nous faisons la situation sur l’état de nos corps meurtris. Le dos surtout en prend à la pelle. Les pieds souffrent aussi et nous regrettons amèrement nos chaussures fermées. J’avais oublié de préciser que nous sommes en sandales.




Marche ou Crève

C’est là où commence le pire du pire de notre trek de 3 jours. Nous espérions que la marche de la veille était terminée, et que nous allions entamer la seconde partie du trek, la visite des tribus perdues. Que nenni.
Les guides n’ont pas encore très bien compris les attentes des touristes ; profiter de la marche pour découvrir la jungle, et non pas une marche forcée qui ferait l’admiration d’un légionnaire.
Nous entamons donc notre seconde journée de marche. Cela va durer 4 h. Quatre longues heures où nous allons monter des sommets pour les redescendre aussi tôt, sans prendre le temps d’en profiter.









Où nous allons couper à travers jungle sur des routes jamais empruntées auparavant. Nous irons jusqu’à trouver un champ de pavot (si si !) gardé par une famille de Laotiens qui ne semblent avoir que cela pour occupation de leur journée.



Ce sera d’ailleurs l’occasion d’une longue pause de 20 minutes, luxe ultime, pour pouvoir prendre quelques photos et boire deux litres d’eau ; nous transpirons abondamment.
Étonnant de voir le dénuement total de ces gens. Ils n’ont rien, absolument rien. Notre campement de fortune de la veille est leur maison pour une partie de l’année. Il est difficile d’imaginer des gens au XXIe siècle vivre dans de telles conditions.










On reprend ensuite notre marche. Nous n’y tenons pas, et nous sommes plus lents que les autres. Surtout le soldat suédois qui commence un peu à nous taper sur les nerfs. Aucune pitié des guides. Il fait une chaleur monstre. Notre transpiration n’est plus salée mais amère. Nous sommes en déficience en minéraux et cela ira en empirant. Aucune pause non plus. Il faut continuer, marcher, avancer. Un pied devant l’autre en continuant à faire attention aux lianes, aux endroits où l’on met nos pieds et autres surprises de la jungle.





Quatre heures plus tard, une route, enfin. Les gens que nous croisons nous regardent avec un drôle d’air, surpris de nous voir sur cette route qui ne mène nulle part, si ce n’est la jungle. Sabaideeee. Bonjour.
Le village est à une demi-heure de marche encore. Nous y arriverons enfin, heureux de retrouver les quelques bicoques en bois qui représentent pour nous la civilisation.

La séparation

Nous allons nous installer sur de petites chaises en plastique pour n’absolument rien faire. Nous sommes trop crevés pour bouger le petit doigt. Nos dos nous font souffrir. J’avoue que ma conscience n’a pas réagi en voyant les guides s’activer pour préparer le repas. J’aurais pu aider, ou du moins proposer. Que nenni. Trop dur. On se contente de regarder la vache rigolote qui essaye désespérément de rentrer dans la cuisine, ne comprenant pas qu’elle risque de terminer dans la marmite. Les cochons et autres poules nous fournissent un divertissement simple sans avoir à bouger nos fesses.






Le repas est très bon, mais nous n’y prêterons pas grande attention. Le guide vient de nous apprendre que l’après-midi, nous aurons à marcher un poil plus longtemps et que le chemin sera plus ardu que la matinée. Quatre heures de plus. Je soupire. S’il le faut, amen. Je suis devenu une machine à marcher. Ce n’est plus du plaisir, mais de la survie. Mon cerveau est en berne. Je suis prêt à tout pour rentrer à la civilisation et ne plus rien faire du tout pendant le restant de mes jours.
Heureusement que Loulou était là. Elle met le holà à ce délire. Elle réveille mon instinct grégaire. Elle en a plus que marre, et veut pouvoir profiter du village ici pour découvrir et visiter, et non pas marcher encore quatre heures pour ne plus être en état de faire quoi que ce soit. Elle a raison.
Après de longues discussions, et un appel au directeur de l’agence (le téléphone passe !), c’est réglé. Lauryanne et moi restons ici avec Song. Khim partira avec Bastien et le suédois en direction de l’autre village à travers une jungle épaisse et impitoyable. Nous leur souhaitons bon courage, leur donnons notre eau et les laissons partir.
De notre côté, on s’écroulera dans la seconde pour une très longue sieste.
Demain, on vous raconte le village.


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